24 ans après la tenue de la conférence des Nations unies sur
l’environnement et le développement à Rio, l’Etat du Sénégal cherche toujours
une solution définitive à l’épineuse question de la préservation de ses
dernières réserves forestières, notamment celles qui se trouvent en Casamance,
dans sa partie septentrionale, à Médina Yoro Foula, zone frontalière avec la
Gambie.
Malgré, l’alerte faite le 17
juin dernier, par les ministres de l’Environnement et du Développement durable,
des Forces Armées et de la Sécurité publique, et de l’Intérieur, lors de leur
déplacement dans cette localité de la région de Kolda, on constate avec regret
que la bande de canailles qui envahissent encore ces parties sud du Sénégal
continuent de piller sans scrupule ce qui reste de la forêt de la commune de
Koulinto. Ici, plusieurs arbres, de troncs et de planches se retrouvent par
terre par-ci et par-là.
Il faut le rappeler, de
Sébikotane, où était produit le charbon pour les besoins énergétiques des
foyers de Dakar, actuellement ces insatiables besoins, qui se sont
considérablement accrus par ailleurs, sont en tain d’être satisfaits dans la
région de Kolda, capitale du Fouladou.
Dans la localité de Médina Yoro
Foula, la situation est plus grave depuis l’arrivée des chinois en terre
gambienne, le phénoméne dit de coupe abusive de bois a pris des proportions
inquiétantes. Des personnes sans le moindre permis de coupe passent tout leur
temps à couper les arbres de la forêt.
Ces gens qui exercent cette
activité clandestine du bois ont pour cible entre autres les variétés de bois
suivants : le vène (Pterocarpus erinaceus), le Kapokier (Bombax costatum)
et le Dimb (Cordilla pinnata).
Des
brigands intimident des citoyens par des armes à feu
La profondeur du mal est
beaucoup plus complexe dans cette zone que partout ailleurs. C’est du moins la
conviction du secrétaire général régional des écologistes du Sénégal, El hadj
Hamidou Diallo, parce que dans cette zone, il a surtout affaire à du banditisme
d’Etat au premier degré.
Il arrive parfois, que certains
brigands intimident par des armes, des citoyens qui ont la velléité de
s’opposer à leurs desseins, mettant ces paisibles paysans que l’on qualifie
péjorativement «complices», dans une mauvaise posture : résister et subir
les conséquences, autrement, collaborer et partager les maigres dividendes.
La morale populaire réprouve
qu’un paysan qui se meut dans une économie de subsistance, mu par la seule
ambition de nourrir sa famille, parcourt avec des moyens rudimentaires, environ
10 à 15 km pour vendre une production d’une valeur d’à peine 3000 francs CFA.
Et par mégarde, rencontre
l’agent des services des Eaux et forêts affectés à la préservation de la
ressource, qui ipso facto applique une transaction basée sur la répression. De
fait, se saisit de la cargaison et laisse ce malheureux paysan rentré
bredouille et parfois à pied. Sur le chemin du retour très anéanti par
l’amertume, il rencontre une remorque, transportant le même produit à l’échelle
d’économie de marché et supposée posséder un permis régulier ou gratuit»,
a-t-il expliqué.
Prenant toujours la défense des
paysans, demande-t-il, si «c’est ce paysan dépouillé, que l’on croit convaincre
d’éveiller sa conscience citoyenne et son esprit de patriotisme pour collaborer
avec les mêmes services en charge de la préservation de la forêt. C’est une
alchimie qui semble difficile à réussir», a-t-il expliqué, avant de dévoiler
les limites des fonctionnaires. Qui, selon lui, «ont souvent un bon
savoir-faire technique qui ne souffre d’aucun doute. Mais, faut-il le
reconnaitre, il leur manque parfois des capacités de communication et un modus
operendis adaptés à leur milieu d’intervention. Ils n’intègrent pas dans
l’action, la dimension socioculturelle et toute la perception que les
populations éprouvent à l’égard de la forêt. Les autochtones riverains des
massifs forestiers, estiment légitime l’exploitation durable de la ressource
naturelle, qu’ils considèrent comme une alternative économique, pour plusieurs
de leurs ménages dans la stratégie de survie face à une pauvreté galopante».
Le
refus des chefs de villages de coopérer avec la Mairie
L’exploitation abusive de la
forêt a pris de l’ampleur depuis quelques temps, c’est parce que certains chefs
de villages de la commune au lieu de soutenir la mairie dans la lutte contre
les personnes qui abattent sans aucune autorisation de coupe préfèrent les
soutenir.
Pourtant j’ai fait le tour de
tous les villages de la commune pour sensibiliser les chefs de villages sur les
risques qui pèsent sur la forêt si jamais nous n’arrêtons pas ce phénomène. Ils
disent oui mais ne font rien au finish pour combattre ces destructeurs de notre
forêt.
Ils les hébergent chez eux juste
pour des dividendes. A la place de l’intérêt général, ils priment l’intérêt
particulier. Comment vous voulez qu’on arrive à sauver la forêt de ce qu’elle
subit depuis quelques temps.
En général, ces gens nous
viennent de la Gambie. Etant des gambiens, ils n’ont pas de permis de coupe
mais ils franchissement la frontière et coupent comme bon leur semble nos
arbres et les transportent chez eux.
Ils ne peuvent pas faire ça tout
seuls s’ils ne sont pas aidés par des gens qui connaissent notre brousse. Ils
sont aidés par des sénégalais, parce qu’ils ne connaissent pas notre forêt. Ils
sont conduits dans la forêt par ces complices. Certains disent même que les
mairies sont aussi des complices, c’est faux. Aucun maire ne peut être complice
de ces gens. Les maires sont dans l’obligation de préserver l’environnement
contre les destructeurs. Les maires sont en train de combattre jour comme nuit
toutes les personnes qui sans permis de coupe des arbres de la forêt.
100
charrettes, 10 vélos, 2 motos et autres… immobilisés
Les permis de coupe, ce n’est
pas la mairie qui délivre ce document. La mairie donne ce qu’on appelle une
autorisation préalable qui est amenée chez les services des Eaux et forêts pour
obtenir un permis de coupe. Les gens font la confusion entre autorisation
préalable et permis de coupe. Ce dernier est livré par la direction des Eaux et
forêt et sans celui-ci la personne n’a pas le droit de couper du bois. Tandis
que l’autorisation préalable de coupe n’est destinée qu’à couper du bois mort.
Ce que nous attendons de l’Etat
est de doter de moyens logistiques et humains les zones affectées par les coupes
abusives de bois. En tant que maire, à l’absence des agents des Eaux et forêts,
je pars en brousse avec mes enfants pour traquer ces gens. Nous utilisons nos
moyens du bord. Des fois, je loue une voiture à 25 mille francs Cfa pour
acheminer chez moi, les charrettes, vélos et motos. Nous allons dans les points
où les coupeurs y vont aussi. De là, il arrive que nous surprenons les
coupeurs. Des fois quand ils nous apercevaient, ils détachent le cheval ou
l’âne de la charrette et courent avec laissant derrière eux la charrette. Ils
franchissent la frontière et entrent en Gambie.
Des fois je demande à une
dizaine de jeunes de m’accompagner dans la brousse. Et pour s’y rendre nous
utilisons des charrettes ou des vélos, ce ne sont pas des moyens qui nous permettent
de mener à bien le combat contre les coupeurs illégaux des arbres de la forêt.
Je me souviens un jour j’étais
parti m’enquérir de ce qui se passe dans la forêt et je suis tombé sur des
charrettes mais je ne pouvais pas les amener parce que je n’ai pas de moyens me
permettant de les acheminer chez moi.
Si j’avais une voiture à ma
disposition et un personnel, je pouvais les amener. Actuellement, nous avons
mis la main sur 100 charrettes, 10 vélos, 2 motos et des chevaux (voir images).
Ils sont chez moi (Ndlr, maison du maire). Depuis que nous les avons amenés
ici, personne n’est venue réclamer quoique ce soit. Ils n’osent pas, parce
qu’ils sont conscients que ce qu’ils font est interdit.
Des chevaux et des ânes sont
morts ici parce que leurs propriétaires ne viennent pas les chercher. Vous
voyez ce cheval mourant (voir image). Il est là depuis plus de trois (03)
jours. Tant que les propriétaires ne viennent pas les chercher nous les gardons
ici.
Manque
de moyens et de logistiques, cri de cœur des agents des Eaux et forêts
Des agents des services des Eaux
et forêt jour comme nuit sillonnent la brousse. Même s’ils reconnaissent
qu’ils ne sont pas en nombre suffisant, ils mènent le combat contre les
coupeurs de bois. Même s’ils ont opté pour ce travail, ils ont besoin de plus de
moyens humains et logistiques afin de réduire, voire mettre fin aux agissements
des ennemis de la forêt.
Sous le couvert de l’anonymat,
d’emblée, cet homme précise, «Ces gens font la dure tête. Ils ont dit qu’ils
vont couper les arbres de la forêt tant qu’il est en existera. Ils disent
qu’ils vont le faire jusqu’à Kolda et personne ne peut les arrêter. Mais on
verra s’ils vont y arriver. Ils sont partis de Médina Yoro Foula pour Kolda.
Plusieurs zones sont déjà dévastées. Parmi ces coupeurs de bois, il y a des
gambiens qui sont hébergés par des sénégalais dans les villages. Comme ils ne
connaissent pas la brousse, ce sont les gens du village qui les conduisent dans
la brousse. Ce sont des complices pour des dividendes».
Et de dévoiler : «Ils ont
un réseau. Il y a ceux qui sont dans la brousse et ceux qui restent dans les
villages. Ce sont ces derniers qui transmettent toutes les informations à ceux
qui sont dans la brousse. Dés qu’ils vous voient partir en brousse, ils les
appellent pour les en informer. Et avant d’arriver, ils se sont fondus dans la
nature. Des fois, ils laissent derrière eux soit leurs charrettes soit leurs
motos. Et même si on trouve les matériels sur place on a du mal à les acheminer
à la maison, parce qu’on a ni de voiture encore moins un personnel suffisant
pour faire ce travail».
Des fois, poursuit-il, «Nous
risquons nos vies en faisant ce travail parce que ces gens que nous trouvons
dans la brousse sont armés jusqu’aux dents. Si tu est seul, ils vont te tuer ça
c’est clair. Si tu dois aller dans la brousse, il faut aller en équipe c’est
mieux même ça c’est un risque. Mais comme notre devoir est de protéger la forêt
contre ces personnes, nous n’avons pas de week-ends. Nous travaillons tous les
jours, jour comme nuit. C’est difficile de mettre la main sur les exploitants
clandestins, parce que avec nos motos quand ils entendent le bruit, ils se
cachent dans la forêt ou vont en Gambie».
Harmoniser
les textes du Code de l’environnement, Code forestier, et de décentralisation
Pour sauvegarder ce qui reste
encore de forêts, les acteurs invitent les autorités à aller plus loin dans
l’hardiesse de la nouvelle politique. Et parmi les recommandations faites,
figurent entre autres, il est conseillé de faire le toilettage et
l’harmonisation des textes du Code de l’environnement, Code forestier, et de
décentralisation et une vulgarisation des principes fondamentaux de ces codes
auprès des acteurs pour qu’ils aient une bonne et même compréhension et sachent
leur rôle et leur responsabilité dans la gestion de la forêt. Ce, pour palier à
la mauvaise compréhension, le manque d’information et la maitrise des textes en
matière de décentralisation et de gouvernance environnemental par les
populations et les élus locaux.
L’Etat doit aussi Prendre toutes
les dispositions nécessaires en contrôlant le niveau des prélèvements de la
ressource et en veillant à la reconstitution du potentiel forestier et
faunique. Pour cela, il faut exiger, une parfaite adéquation entre les permis
d’exploitation délivrés et la quantité des produits forestiers mis dans le
marché. Dans ce cas, il faut s’assurer que ces permis de coupe ne soient pas
gratuits et qu’ils aient une durée de validé que nul ne peut proroger ou
falsifier.
Il est aussi souhaité d’ériger
en Réserve communautaire naturelle, la moitié des territoires amodiés pour la
chasse et attribuée à des privés, dont les retombées socioéconomiques restent
marginales sur le vécu quotidien des populations et cela depuis les années 79.
L’Etat doit également appuyer
les collectivités ayant en charge la gouvernance environnementale à exercer
dans les réserves, la compétence transférée et améliorer leur pratique en
matière de gestion responsable des ressources naturelles. Et promouvoir un
dialogue politique et social entre élus, autorités administratives et citoyens,
aux fins d’instaurer un contrôle citoyen et exercer une gestion démocratique et
transparente des affaires de la ressource. Permettant ainsi, d’améliorer
durablement les conditions de vie des acteurs.
…
Mise en place des réserves communautaires
Dans une dynamique de
mondialisation, le gouvernement devait appuyer les collectivités locales à
porter un plaidoyer pour capter les fonds de crédits carbones aux profits des
réserves communautaires et répliquer les modèles de l’écotourisme et la
protection faunique et forestière réussi ailleurs (Kenya, Namibie…) dans la
gestion de forêts communautaires. Et par ailleurs, encourager l’apprentissage
social et l’innovation dans les métiers verts, en recrutant et formant des
jeunes filles et garçons comme éco-garde encadré par les services des Eaux et
forêts, affectés à la surveillance des réserves communautaires.
Dans une stratégie de
potentialiser le capital humain, aménager les zones dénudées par les
défrichements des galeries forestières, afin que la moitié des exploitants
forestiers se recyclent dans l’arboriculture forestière. Avec le concours des
partenaires aux développements les soutenir financièrement et techniquement
afin qu’ils y mènent des activités de production de bois destinés dans l’avenir
industries de menuiseries.
Ce
que la Gambie doit faire contre ce phénomène
Dans cette optique, les acteurs
demande à l’Etat du Sénégal d’envoyer une mission diplomatique «militarisée»
prés du Président Yahya Jammeh, afin de lui faire comprendre, que le Sénégal
tient, non seulement à une coexistence pacifique et à l’amitié des peuples,
mais aussi fermement, que nous n’accepterons plus qu’un Etat étranger commande
à partir du port de Banjul un produit forestier que la Gambie n’est pas en mesure
de produire sur son territoire.
Pour combattre ce phénomène de
la coupe abusive du bois, le Président Macky Sall a annoncé une batterie de
mesures. «Nous n’allons pas dévoiler ces mesures, mais prochainement c’est avec
l’effet surpris que nous allons avoir beaucoup de résultats. Nous sommes prêts
à tout moment pour intervenir. Nous avons commencé ce travail. Déjà les
forces de défense et de sécurité sont à pied d’œuvre. Des actions d’envergure
vont être menées et nous allons maintenir cette pression au moins pendant un
mois. Ce sont des solutions urgentes d’abord pour ratisser et nettoyer après
des solutions mieux planifiées seront exécutées.
Vers
la répression des exploitants véreux
Plus de 330 charrettes, des
chevaux entre autres matériels sont saisis par des éléments des services des
Eaux et forêts de Médina Yoro Foula. Une des localités les plus touchées par la
coupe abusive de bois. En ce qui concerne ces saisies, rassure le ministre de
l’Environnement et du développement durable, Abdoulaye Bibi Baldé, «seront
détruites parce que c’est de la fraude donc il faut les détruire. Ce sont des
instructions du président de la République, Macky Sall. Nous constatons tous
que la destination finale de ce bois n’est pas le Sénégal. Donc pour nous c’est
de l’exportation frauduleuse. Il faut alors l’arrêter».
Le Sénégal a préparé un dossier
à la convention internationale sur le commerce des espèces de faune et de flore
menacées. L’objectif du Sénégal en essayant d’inscrire le bois de véne dans
cette convention c’est de limiter son commerce sur le plan international.
Autant sur le terrain nous travaillons et autant sur le plan institutionnel
nous avons pris les devants pour empêcher ce commerce international du bois de
véne
Nous allons combattre tout ce
qui est illégale. Pour cela, nous ne sommes pas venus les mains vides. Nous
proposons des solutions alternatives aux populations. C’est dans ce cadre que
nous avons donné des instructions au directeur des financements verts voir
comment est-il possible d’accompagner les jeunes et les femmes à s’adonner à
des activités plus vertueuses et plus vertes outre que la coupe abusive et
illégale du bois.
En
attendant, déterminé à combattre la pression exercée sur les forêts des
exploitants clandestins, «le Sénégal a préparé un dossier adressé à la
Convention internationale sur le commerce des espèces de faune et de flore
menacées. L’objectif est d’essayer d’inscrire le bois de véne dans cette
convention pour limiter son commerce sur le plan international. A travers cette
démarche, il faut dire qu’autant nous sommes en train de travailler sur le
terrain, autant sur le plan institutionnel, nous avons pris les devants pour
empêcher ce commerce international du bois de véne. En synergie avec les pays
membres de la Cedeao, nous sommes en train de tout faire pour briser ce
commerce.
Tapa TOUNKARA (Envoyé spécial à Kolda)